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Article en libre accès - La méthode Mézières : des particularités à la globalité


Méthode Mézières : moyens thérapeutiques

Mézières Method: Therapeutic measures

Sandrine Gain-Duval*, Anne-Marie Paquette
Auteur correspondant : Cabinet médical privé, 11, rue des Glaïeuls, 77300 Fontainebleau, France.


Résumé

La Méthode Mézières est une méthode de masso-kinésithérapie qui permet de traiter les troubles neuro-musculo-squelettiques de façon globale et individuelle. Elle nécessite une première consultation-bilan pour établir un diagnostic kinésithérapique fonctionnel en vue d’établir le traitement le plus adéquat pour chaque patient. En plus de connaître l’histoire médicale du patient, le kinésithérapeute réalise un examen clinique rigoureux et spécifique à la Méthode Mézières afin d’analyser la posture, le niveau d’extensibilité des chaînes musculaires, la fonction respiratoire, la mobilité du système articulaire. Les conclusions de ce premier bilan permettent de déterminer les objectifs de traitement, le choix des postures d’étirement, la stratégie thérapeutique. Le traitement est donc personnalisé et requiert une entière coopération de celui-ci. Le patient doit, en effet, être acteur de sa guérison, le thérapeute le guide. C’est ce qui fait de la Méthode Mézières une méthode originale et singulière. La Méthode Mézières à une action curative mais aussi éducative et préventive et peut convenir à toutes les personnes désireuses de participer à leur bien-être ou leur mieux-être.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


Summary

The Mézières method is a massage therapy method that allows to treat neuro-musculoskeleton disorders in a global and individual way. It requires an initial consultation to establish a functional and physiotherapy diagnosis, in order to determine the most appropriate treatment for each patient. In addition to knowing their patients’ medical history, the therapist conducts a rigorous clinical examination specific to the Mézières method to analyze posture, the level of extensibility of the muscle chains, respiratory function, mobility of the articular system. The results of this first assessment help to determine the treatment objectives, the choice of stretching postures and the therapeutic strategy. The treatment is therefore personalized and requires the full cooperation of the patient. The patient indeed is the actor of his own recovery, and the therapist guides him. The Mézières Method has not only a curative but also an educational and preventive action and can be suitable for all those who wish to participate in their well-being.
© 2020 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

 

Mots clés : Compensation, Globalité du corps, Kinésithérapie, Observation, Posture d’étirement, Proprioception, Respiration

Keywords : Compensation ;Body's wholeness, Physical-therapy, Observation, Stretching posture, Proprioception, Breathing

Plan

  • Introduction
  • Bilan spécifique de la Méthode Mézières
  • Objectifs de traitement
  • Moyens thérapeutiques
  • Postures Mézières
  • Techniques de massages
  • Mobilisations
  • Travail proprioceptif
  • Conclusion et exigences de la Méthode Mézières
  • Déclaration de liens d’intérêts


  • Note de la rédaction

    Cet article fait partie d’un ensemble indissociable publié dans ce numéro sous forme d’un dossier nommé « La méthode Mézières : des particularités à la globalité » coordonné par Michel Gedda, et composé des articles suivants :

    • Gedda M. La méthode Mézières : des particularités à la globalité. Kinesither Rev 2020; 20 (224–5).
    • Paquette AM. Françoise Mézières : un peu d’histoire. Kinesither Rev 2020; 20 (224–5).
    • Gain-Duval S. Méthode Mézières : Principes fondamentaux et principales indications. Kinesither Rev 2020; 20 (224–5).
    • Gain-Duval S, Paquette AM. Méthode Mézières : Moyens thérapeutiques. Kinesither Rev 2020; 20 (224–5).
    • Savage M. Effet à distance d’un traitement par la Méthode Mézières sur l’ouverture buccale chez une patiente lombalgique chronique. Kinesither Rev 2020; 20 (224–5).
    • Fabre C. Intérêt de la Méthode Mézières chez les patients migraineux : étude préliminaire. Kinesither Rev 2020; 20 (224–5).
    • Roussange A. Effet d’un traitement kinésithérapique par la méthode Mézières sur la posture et la lombalgie mécanique non spécifique du jeune golfeur de haut niveau, et étude du plan sagittal. Kinesither Rev 2020; 20 (224–5).

    Introduction


    Françoise Mézières disait que la santé était le résultat de la forme parfaite. Elle avait à l’esprit un idéal d’harmonie et de beauté de la forme humaine, et appuyait sa stratégie thérapeutique en prenant comme référence un parangon tel l’Apollon du belvédère ! Elle aimait les belles lignes corporelles : « ce qui est beau, fonctionne bien » disait-elle, et considérait que la douleur était à envisager comme un signal d’alarme déclenché au-delà du seuil d’acceptabilité du corps. On sait maintenant que la forme et la fonction sont intimement liées, la forme conditionnant la fonction, mais aussi la fonction influençant la forme du corps.

    La Méthode Mézières est une méthode de rééducation globale et individuelle conçue pour être pratiquée au sol sur un tapis (Figure 1), ou sur une table adaptée (Figure 2). Des petits accessoires (balles, coussins, etc.) peuvent également être utilisés pour faciliter le travail proprioceptif (Figure 3). Cette méthode tient compte du contexte bio-psycho-social du patient, et vise à rétablir l’équilibre corporel du patient en traitant les chaînes myo-fasciales trop tendues, contractées ou rétractées, en recherchant les causes primaires des lésions, et en contrôlant les compensations installées au niveau du corps.

    figure 1

    Figure 1. Installation au sol.

    figure 2

    Figure 2. Table électrique adaptée, tablettes pour l’ouverture des membres supérieurs.

    figure 3

    Figure 3. Petit matériel pour le travail proprioceptif.

    Cette thérapie requiert l’entière participation du patient et son intention de vouloir faire quelque-chose pour lui-même. Le kinésithérapeute Méziériste doit l’aider à laisser venir ses sensations, ses perceptions, à traduire ce que son corps peut exprimer. Il est important d’attirer l’attention du patient sur les compensations qu’il organise, sur les points douloureux réveillés, les sensations éprouvées avant et après une séance. Chaque patient doit recevoir des informations exactes, des mots simples et précis, de bons repères de manière à intégrer une image juste de son corps.

     

    Paul Schilder disait, dans son livre « L’image du corps », que « le schéma corporel est la connaissance tridimensionnelle que chacun a de lui-même » [1].

    Ce travail a une action directe sur le système neuro-végétatif, et peut s’accompagner de certaines manifestations d’ordre émotionnel qu’il faut savoir accompagner (pleurs, rires, toux, fourmillements, etc.). Il est donc nécessaire de doser le travail, l’intensité de la mise en tension des chaînes musculaires et d’assurer une présence pédagogue et constante auprès du patient tout au long de la séance. C’est pourquoi les séances sont d’une durée de 45 min à une heure, temps nécessaire pour instaurer un dialogue thérapeutique et mettre en place ce travail de correction posturale. Une séance hebdomadaire est préconisée au début du traitement, puis un espacement des séances au fur et à mesure de l’amélioration de l’état du patient.

               


    Bilan spécifique de la Méthode Mézières


    Lors de la première séance, un interrogatoire et une anamnèse poussés permettent d’analyser en détail la problématique du patient. L’anamnèse permet au thérapeute de retracer chrono-logiquement le parcours de santé du patient, de connaître ses antécédents médicaux, d’évaluer son contexte de vie, les traitements médicamenteux en cours etc. L’interrogatoire vient jalonner cette anamnèse pour obtenir des précisions qui pourraient se révéler essentielles à la compréhension de la plainte du patient et de la pathologie actuelle qui motivent la consultation. Ce temps est essentiel pour établir le contact avec le patient et l’appréhender dans sa globalité.

    Viennent ensuite l’observation et l’examen morpho-statique qui constituent une étape incontournable du bilan.

    Cet examen est le même pour tout le monde, quel que soit le motif de consultation ; il suit un protocole précis, spécifique à la Méthode Mézières.

    Le thérapeute Méziériste effectue une véritable lecture du corps de la tête aux pieds, en position debout spontanée, puis pieds joints (de face, de dos, de profil), lors d’un penché en avant (test de Flexion Antérieure du Tronc : FAT) et latéral ( Bending Test), en position allongée sur le dos et en position assise.

    Cette observation permet, en quelque sorte, de faire une photographie à l’instant « T » du patient, de mettre en évidence les altérations de la forme corporelle que Françoise Mézières appelle « dysmorphismes », de livrer des informations d’ordre positionnel qui sont ensuite confirmées par des tests spécifiques d’étirements (mise en tension) des chaînes musculaires, globaux et semi-globaux qui intéressent les membres inférieurs, les membres supérieurs, le rachis cervical, et enfin l’observation de la mécanique respiratoire [2].

    Ces tests de mise en tension et de mobilité segmentaire permettent de déterminer les zones de déséquilibres, d’hypo-mobilité articulaire, et surtout d’évaluer les « empreintes » des chaînes musculaires pathologiques en présence, et des compensations déjà installées, facteurs de risque pour développer des pathologies ou des douleurs [3].

    Le test du « penché avant » met en évidence le degré d’extensibilité de la chaîne musculaire postérieure, mais aussi de contraction ou de tension du plan musculaire antérieur. Les tests de mise en tension des chaînes musculaires permettent de déterminer les déficits de souplesse, mais aussi les schémas de compensations installés. Un intérêt particulier est porté à la posture, à l’alignement des masses céphalique, thoracique et pelvienne, aux courbures rachidiennes, aux symétrie et asymétries corporelles.

    L’ensemble de ces observations et tests se réfère aux lignes de référence anatomique (lignes sagittale, frontale, plan transverse) et est répertorié sur une fiche bilan qui précise les déséquilibres posturaux constatés, les douleurs, les tensions restrictives dans les chaînes musculaires, les zones d’hypo-mobilité articulaire, les troubles de la gestuelle, et enfin les possibles réactions émotionnelles lors de ce premier bilan (Figure 4, Figure 5, Figure 6, Figure 7).

    figure 4

    Figure 4. Fiche bilan Anamnèse.

    figure 5

    Figure 5. Fiche bilan Évaluation de la douleur.

    figure 6

    Figure 6. Fiche bilan Examen Morpho-statique.

    figure 7

    Figure 7. Fiche bilan Tests semi-globaux

    Ce bilan, régulièrement réajusté au fur et à mesure des séances, permet d’établir nos objectifs de traitement, notre intention thérapeutique, le choix des postures, des techniques de massages et de mobilisation. Chaque prise en charge est personnalisée et globale et doit répondre aux attentes du patient.



    Objectifs de traitement


    La Méthode Mézières a pour objectif principal de libérer le corps de ses souffrances, tant physiques que psychosomatiques, et permettre au patient de mieux connaître son corps, de mieux en appréhender les difficultés, les restrictions, les déséquilibres corporels.

    Les objectifs du traitement par la Méthode Mézières sont de lutter contre le raccourcissement musculaire et de libérer la respiration lors de postures globales ou semi-globales qui visent à aligner les masses céphalique, thoracique et pelvienne, en surveillant les compensations.

    Il faut également normaliser la mobilité du système articulaire par un travail analytique segmentaire des zones hypo-mobiles, pour préparer une posture ou lors d’une posture. Il s’agit de redonner de l’élasticité à tous les tissus concernés car ceux-ci influencent la statique.

    Enfin, refonctionnaliser le corps en redonnant au sujet l’image corporelle et le geste justes.

    Il s’agit de proposer au patient, une prise de conscience corporelle pour rendre les postures plus précises. La reprogrammation proprioceptive est devenue un outil incontournable des séances en Méthode Mézières.



    Moyens thérapeutiques


    La méthode Mézières consiste en l’utilisation de postures d’étirement des chaînes musculaires rétractées ou contractées, qui visent à obtenir une détente et un assouplissement des chaînes musculaires concernées. Ces postures, qui concernent le corps dans sa globalité, sont tenues de longues minutes sur une respiration ample et régulière, et permettent une correction des déséquilibres tout en libérant la respiration. Elles sont réalisées de manière active avec la participation consciente du patient, lui-même guidé par le kinésithérapeute qui conduit la posture, surveille les compensations, et propose les corrections.

    Le grand principe actif est l’utilisation de l’étirement musculaire, qui a pour mission de détendre le muscle mais aussi d’assouplir la trame conjonctive intrinsèque des muscles.

    Ce travail d’assouplissement s’inspire de la notion physique de fluage qui agit au niveau du tissu conjonctif et qui permet de réaliser un gain de longueur des muscles étirés. Il se produit un allongement définitif du plan musculo-aponévrotique si ce dernier est soumis assez longtemps à une tension plus forte que la tension pathologique. Le fluage répond au concept d’élasticité dépassée en physique, phénomène qui provoque la déformation irréversible différée d’un matériau soumis à une contrainte constante inférieure à la limite élastique du matériau, pendant une durée suffisante.



    Postures Mézières


    Le travail de mise en posture est progressif et concerne le corps dans sa globalité.

    Toute posture s’accompagne d’un travail de respiration ample qui favorise un certain « lâcher-prise » pour obtenir une détente du diaphragme et une libération de l’excès de tonus dans les chaînes myo-fasciales.

    Ces postures visent à allonger les chaînes myo-fasciales rétractées ou contracturées, et à corriger tous les déséquilibres de façon simultanée, en évitant les compensations, tout en recherchant la forme idéale dans l’alignement le plus correct de tous les segments corporels.

    Les postures concernent le corps dans sa semi-globalité ou globalité, sont asymétriques ou symétriques, et sont graduelles dans leur durée, intensité et rythme. Elles peuvent être réalisées au sol en décubitus dorsal (Figure 8, Figure 9) puis en position assise ou debout [4, 5]. Elles sont choisies par le thérapeute en fonction du bilan réalisé en début de traitement, puis de l’évolution au fur et à mesure du traitement. Il existe des postures spécifiques pour chaque plan musculo-aponévrotique à assouplir.

    figure 8

    Figure 8. Posture en décubitus dorsal, mise en tension de la chaîne latérale externe du membre inférieur gauche, mise en étirement du plan antérieur du membre inférieur droit, contrôle de la respiration et maintien de la tête dans l’axe.

    figure 9

    Figure 9. FPosture des deux membres inférieurs levés avec mise en tension de la chaîne musculaire postérieure en contrôlant l’excès des extenseurs d’orteils placés en flexion par le praticien, contrôle du plan transversal aux genoux. Le patient doit, sur le temps expiratoire, repousser les talons vers le plafond en resserrant la balle placée entre les genoux et réaliser une petite rotation des genoux vers l’extérieur pour maintenir les genoux dans l’axe, contrôle de la respiration et du positionnement de la tête.

    La construction de la posture est réalisée par le thérapeute qui conduit la posture et contrôle les compensations qui apparaissent. Celle-ci doit être progressive en fonction des possibilités du patient et s’accompagne de diverses sollicitations musculaires comme l’étirement direct à composante passive d’un groupe de muscles, l’étirement actif direct de muscles agonistes en sollicitant la contraction de leurs antagonistes ou encore des techniques de contraction isométrique en course externe ou de contracté- relâché [2].

    L’évolution de la pratique de la Méthode Mézières a permis également d’ajouter aux postures de base telles que la posture de « fente avant » (Figure 10), la posture au « carré » (Figure 11) ou encore les postures « assises » (Figure 12) ou « quadrupédiques » (Figure 13) des postures spiroïdes mettant en jeu des chaînes musculaires dans le plan transversal, par exemple en engageant un membre inférieur d’un côté avec le membre supérieur controlatéral [3].

    figure 10

    Figure 10. Posture asymétrique en fente avant, mise en tension du triceps sural au membre inférieur gauche sur contrôle de l’alignement des masses pelvienne, thoracique et céphalique et de la respiration.

    figure 11

    Figure 11. Posture au « carré » avec extension des membres supérieurs placés sur le support table, Mise en étirement de la chaîne musculaire aux membres inférieurs, travail d’assouplissement en flexion coxo-fémorale, recherche d’un alignement de l’axe vertébral sur contrôle de la respiration et activation du muscle transverse de l’abdomen, travail d’assouplissement de la région pectorale.

    figure 12

    Figure 12. Posture assise, activation des muscles érecteurs de l’axe rachidien en auto-grandissement axial actif (reprogrammation tonique excentrique), correction de la cyphose dorsale, étirement de la lordose cervicale, contrôle de la respiration, membres supérieurs détendus. En progression, mise en tension plus aboutie aux membres inférieurs avec flexion dorsale des pieds.

    figure 13

    Figure 13. Posture quadrupédique de mise en tension globale de la chaîne musculaire postérieure, contrôle de la respiration et de la tête. Le patient doit de manière active repousser les ischions vers le plafond tout en laissant les talons ancrés dans le sol, les orteils bien étalés, lâcher la tête et les épaules.



    Techniques de massages


    Chaque praticien doit avoir dans sa boîte à outils une panoplie de manœuvres de massages de facilitation : massages réflexes, trigger points, effleurages, pressions glissées, percussions, « palpé-roulé », traits tirés, etc. Par le massage, le toucher, on peut libérer, détendre, calmer les zones douloureuses.

    Les manœuvres de massages visent bien souvent à redonner aux muscles l’information juste au niveau de leur tension ; le sens de notre massage est donc orienté (Figure 14, Figure 15).

    figure 14

    Figure 14. Massage de la main orienté sur la détente du muscle opposant du pouce, ouverture de la première commissure.

    figure 15

    Figure 15. Massage du dos en fin de séance orienté sur la détente des muscles de la masse sacro-lombaire.

    Mobilisations


    Au cours d’une posture ou entre deux postures d’étirement musculaire, sont également prodiguées des manœuvres de mobilisations articulaires, actives ou passives, qui permettent de restaurer le mouvement après le gain obtenu sur l’extensibilité des chaînes musculaires. Ces mobilisations douces permettent de détecter les zones de plus grandes tensions, qui sont des facteurs éventuels de verrouillage articulaire. Les mobilisations segmentaires s’adressent aux membres et au rachis. Des gestes spécifiques permettent des réharmonisations segmentaires [6] (Figure 16, Figure 17).

    figure 16

    Figure 16. Travail spécifique du pied, assouplissement du gros orteil dans l’axe associant une stimulation active de l’abducteur du pouce.

    figure 17

    Figure 17. Travail segmentaire au niveau du genou, de normalisation et gain de mobilité dans le plan transversal.

    Travail proprioceptif


    Il existe de nombreux capteurs sensoriels au niveau des muscles (fuseaux neuro-musculaires) et des tendons (organes tendineux de golgi), des articulations (corpuscules de Ruffini, corpuscules de Pacini), de la peau (corpuscules de Meissner et de Merkel), du système vestibulaire. La proprioception désigne la perception de l’organisme à sa propre position (statesthésie) et à son propre mouvement (kinesthésie), et est liée aux capteurs musculaires et articulaires en particulier, ainsi qu’aux voies neuronales correspondantes. Elle est fondamentale pour le maintien et le contrôle de la posture [7].

    Il existe deux types de proprioception : une consciente qui détermine la position des articulations et donc des membres les uns par rapport aux autres, une inconsciente qui intervient dans le contrôle de la contraction musculaire en position debout et qui permet des ajustements posturaux avec des mécanismes d’intervention rapide.

    La capacité du cerveau est donc de renseigner à tout moment de la position du corps dans l’espace.

    Cette notion de position ou d’image du corps désigne la représentation de celui-ci. En 1911, le neurologue anglais Henry Head avance la notion de schéma corporel ou postural. Cette définition est confirmée par Julian de Ajuriaguerra, en 1970, et Françoise Dolto. Il est également démontré que les neurones ont la capacité de changer leurs propriétés structurelles et fonctionnelles, en fonction des expériences que vit un individu [8, 9]. En effet, très tôt dans le développement du système nerveux, cette capacité et cette plasticité sont importantes. Cette plasticité au niveau des neurones et des muscles, et la modalité sensorielle qui influence les deux, sont la proprioception.

    Si un déséquilibre du système postural et de ses capteurs peut entraîner toutes sortes de pathologies, une cause proprioceptive ne peut être évoquée que lorsque toute autre cause a été écartée par des examens médicaux.

    Le système postural est capable de fonctionner dans son déséquilibre mais il ne peut pas se corriger seul. Si un programme ne fonctionne pas, il faut le reprogrammer. C’est la raison pour laquelle on parle de reprogrammation posturale en rééducation. Elle consiste à la prise de conscience du corps par le sujet.

    Les circuits neuronaux moteurs et cognitifs sont interconnectés [10, 11]. De plus, il est maintenant prouvé qu’une relation motrice-émotionnelle existe [12]. Par ailleurs l’activité motrice et cognitive ainsi que le travail imaginaire ont un effet positif sur le rendement moteur [13]. Enfin, d’autres études montrent que l’observation du mouvement a un effet positif sur la production de ce dernier [14].

    Ces relations neuronales ont de grandes implications au niveau du comportement : la pratique d’exercice, avec ou sans charge cognitive, ne génère pas les mêmes résultats.

    Au regard des connaissances actuelles sur les mécanismes d’apprentissage, les activités proposées doivent être effectuées avec attention et avec un objectif défini ; celles-ci doivent être motivantes et amusantes et appropriées à l’âge. Les stimulations doivent être progressives dans leur difficulté et être intégrées dans des fonctions.

    Il est très important que le patient puisse apprendre à discerner des différences dans sa manière d’effectuer le mouvement ou de se tenir, et que cette aptitude à distinguer de façon plus consciente produise une information nouvelle au niveau du cortex.

    Les moyens qui sont développés peuvent être : la parole, le toucher, le mouvement, l’observation, les mouvements imaginés, la coordination de certains mouvements, en passant par des voies inhabituelles, et nécessitent une créativité indispensable pour le kinésithérapeute.

    Le praticien doit guider le patient et lui indiquer à quoi il doit être attentif, en déplaçant l’attention du patient, en changeant le rythme du mouvement ; cela est rendu nécessaire par le fait que les signaux sensoriels des capteurs mettent un certain temps à parvenir au comparateur situé dans l’hypothalamus.

    Le travail proprioceptif est donc un outil de choix dans la rééducation par la Méthode Mézières [15].

    Elle puise ses ressources dans les techniques d’apprentissage somatiques dites « douces ou alternatives » telles que la Méthode Mathias Alexander, la Méthode de Lydia Ehrenfried, la Méthode Feldenkrais, l’Eutonie de Gerda Alexander, etc. (Figure 18).

    figure 18

    Figure 18. Travail proprioceptif au niveau de la plante du pied, automassage avec une balle à picots, décontraction des muscles de la voûte plantaire en particulier le carré plantaire, muscle puissant de la chaîne musculaire postérieure. Ce travail permet dans un deuxième temps de prendre conscience des nouveaux appuis sur le pied.



    Conclusion et exigences de la Méthode Mézières


    La Méthode Mézières a été révolutionnaire pour son époque et tient encore une place de choix dans l’arsenal de toutes les thérapeutiques corporelles globales proposées de nos jours en kinésithérapie. Dans les années 1950, elle apporta des réponses et bouleversa la façon de voir, sentir, analyser, un patient plutôt qu’un symptôme ou une maladie. Cette notion de globalité du corps, si novatrice à l’époque, ce tout indissociable, est une découverte qui va bien au-delà de la technique thérapeutique. Le thérapeute qui pratique cette méthode propose un échange, un véritable « corps-accord » pour son patient, et s’attache à rechercher tout ce qui permet au patient de mieux se connaître, de comprendre les schémas de rétractions et compensations qui se sont installés dans les chaînes musculaires, parfois depuis des années, et de vivre en meilleure intelligence avec son corps.

    Ce n’est pas simplement un travail curatif, mais il est aussi éducatif et préventif et va au-delà de la normalisation de ce qui est dysharmonieux et dysfonctionnel.

    Il s’agit bien d’un accompagnement du patient, sur une période plus ou moins longue de sa vie, vers un état de mieux être nécessaire à son équilibre qui lui est propre.

    C’est pourquoi la méthode Mézières est exigeante et nécessite du temps : du temps pour que le patient comprenne les déséquilibres qui perturbent son état de santé, du temps pour que le patient intègre les conseils, les aspects éducatifs et préventifs.

     

    La méthode Mézières nécessite la présence constante du kinésithérapeute, au cours de séances individuelles d’une durée de 45 min à 1 heure minimum, à fréquence hebdomadaire au début puis, espacées, en fonction de l’amélioration constatée1. Le nombre de séances pour chaque traitement est variable et dépend du patient, de son histoire et de sa capacité d’intégration des différentes informations sensori-motrices reçues au cours du travail. La réussite d’un traitement dépend également de l’implication du patient qui doit permettre une amélioration des capacités de réponse aux différents stimuli proprioceptifs, et l’intégration de la correction posturale globale proposée au cours des séances. À la fin du traitement, des séances d’entretien peuvent être proposées, ainsi que des exercices que le patient réalisera seul chez lui. Ce travail permet d’obtenir des effets durables dans le temps grâce à la plasticité neuronale qui permet au patient de mémoriser un nouveau schéma postural et une vigilance sensorielle.

    Nous pouvons rendre hommage à Françoise Mézières pour son intuition et son regard inégalable sur le corps dans sa globalité. Ses qualités d’observation et son appétence pour l’anatomie ont fait d’elle un personnage hors du commun et de nous, les « Méziéristes », des thérapeutes singuliers.

    « Je pense que dans ma salle quasi monacale, où je dialogue longuement avec mon patient, où j’établis patiemment le dialogue du praticien avec le sujet et du sujet avec son corps, voire avec lui-même tout entier, je pense que je contribue pour ma modeste part à une communion, à une communion des êtres ».

    « J’ai tenté, je tente toujours, de revenir à une relation simple et directe, de communiquer à mes malades le désir de s’écouter, de se connaître, de s’améliorer, c’est sans doute le secret de bien des médecines anciennes que l’on a peu à peu oublié », Françoise Mézières (Figure 19).

    Points à retenir

    • La Méthode Mézières vise à rétablir l’équilibre corporel du patient en traitant les chaînes musculaires rétractées ou contracturées, en recherchant les causes primaires des lésions et en contrôlant les compensations installées dans le corps.
    • Une observation rigoureuse, une analyse morpho-statique et des tests de mise en tension spécifiques permettent d’établir les objectifs de traitement.
    • Les objectifs thérapeutiques sont de lutter contre le raccourcissement des chaînes myo-fasciales, libérer la respiration, normaliser la mobilité du système articulaire et refonctionnaliser le corps.
    • Le grand principe actif est l’utilisation de l’étirement musculaire qui a pour mission d’assouplir le muscle et sa trame conjonctive.
    • Le travail de mise en posture est progressif et concerne le corps dans sa globalité.
    • La Méthode Mézières est exigeante et nécessite la présence constante du praticien au cours des séances hebdomadaires d’une durée de 45 min à 1 h.
    figure 19

    Figure 19. Portrait de Françoise Mézières.



    Déclaration de liens d’intérêts


    Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

    Références En savoir plus

               

               

    Pour en savoir plus

    • Prayez P, Savatofski J. Le toucher apprivoisé, pour une approche différente du soigné. Éditions Lamarre-Poinat; 1989.
    • Bessou G. Gym conscience. Éditions Sully; 2015.
    • Bessou G. Qui veut aller bien ménage sa posture. Éditions Dauphin; 2018.
    • Ehrenfried L. La gymnastique holistique : de l’éducation du corps à l’équilibre de l’esprit. Éditions Aubier; 1997.
    • Feldenkrais M. L’évidence en question. L’inhabituel, 1997.
    • 1Tarif de la séance : de 45 à 95 euros. Remboursement par la Sécurité Sociale du montant correspondant à l'acte prescrit, le complément d'honoraire fait l'objet d'une facturation pour une prise en charge éventuelle par les mutuelles.
    • 1Tarif de la séance : de 45 à 95 euros. Remboursement par la Sécurité Sociale du montant correspondant à l'acte prescrit, le complément d'honoraire fait l'objet d'une facturation pour une prise en charge éventuelle par les mutuelles.

     

    1Tarif de la séance : de 45 à 95 euros. Remboursement par la Sécurité Sociale du montant correspondant à l'acte prescrit, le complément d'honoraire fait l'objet d'une facturation pour une prise en charge éventuelle par les mutuelles.

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